Le sort du mégaprojet québécois de Northvolt est plus nébuleux que jamais. Il est désormais entre les mains d’un spécialiste de la liquidation puisque la jeune pousse opte pour la faillite, ce qui risque de mettre la table à son démantèlement.

Ce qui était présenté comme le plus important investissement privé de l’histoire du Québec à l’automne 2023 – une usine de cellules de batteries à 7 milliards – pourrait donc ne jamais sortir de terre en Montérégie.

La raison émane de la Suède. Incapable de se refinancer alors qu’elle est à l’abri de ses créanciers, la société mère du groupe, Northvolt AB, dépose le bilan dans ce pays scandinave, où se trouve son siège social ainsi que sa première méga-usine, qui lui servait d’épine dorsale.

« Malgré la poursuite de toutes les options disponibles pour négocier et mettre en place une restructuration financière […], l’entreprise n’a pas été en mesure de sécuriser les conditions financières nécessaires pour continuer sous sa forme actuelle », explique la compagnie, mercredi, dans une déclaration.

Cela signifie notamment que toutes les options sont sur la table, comme une vente en pièce détachée ou une dissolution.

De l’avenir au Québec ?

Le processus aura des répercussions jusqu’au Québec, où les travaux sont actuellement à l’arrêt sur le gigantesque terrain qui chevauche les municipalités de Saint-Basile-le-Grand et McMasterville.

Difficile, pour le moment, d’avoir une idée de ce qui attend la filiale nord-américaine de Northvolt, aux commandes du projet québécois, qui a reçu plusieurs milliards en promesses de financement de Québec et Ottawa.

« Notre souhait est que le contrôleur se mette à la recherche d’un acheteur qui investira pour reprendre l’ensemble des activités en Amérique du Nord pour le projet », a indiqué la ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Christine Fréchette, dans une déclaration.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Les travaux préparatoires ont été effectués sur le terrain où Northvolt doit s’implanter au Québec. Rien n’a toutefois été construit.

Seule certitude pour le moment, la division prévoit pouvoir « respecter ses engagements financiers » actuels, notamment pour payer ses employés ainsi que ses fournisseurs.

Contrairement au reste du groupe, cette entité est solvable. En novembre dernier, il y avait 330 millions de dollars dans ses coffres. Elle compte déjà des clients potentiels – le géant des camions Navistar et Volvo – et le gouvernement Legault lui a garanti l’accès à d’importantes quantités d’énergie.

Northvolt Amérique du Nord pourrait, par exemple, intéresser un acheteur qui voudrait miser sur le marché nord-américain, où l’environnement commercial est turbulent en raison des politiques tarifaires de l’administration Trump.

Un effondrement

La décision annoncée mercredi par l’entreprise est le plus récent chapitre de la déconfiture financière de Northvolt, autrefois considérée comme la jeune entreprise la plus financée d’Europe avec une récolte de 15 milliards US.

Au cœur d’une sévère crise de liquidités, la multinationale s’était placée à l’abri de ses créanciers en vertu du chapitre 11 de la Loi sur les faillites aux États-Unis en novembre dernier. Ce processus devait lui permettre de restructurer sa dette et se refinancer.

Cette tentative de relance ne s’est cependant pas passée comme prévu. Avec des coffres une fois de plus à sec, le cellulier suédois était au pied du mur.

« En raison des limites de temps et des ressources financières disponibles, l’entreprise n’a pas pu conclure les accords nécessaires pour sécuriser son avenir », explique-t-elle.

Millions en fumée

Le dossier a des allures de fiasco pour les contribuables. Le gouvernement Legault a déjà perdu 270 millions dans l’aventure. Il avait aussi offert 240 millions à Northvolt pour l’aider à acheter son terrain en banlieue sud de Montréal. Ce prêt est garanti par une hypothèque.

Québec peut donc se consoler en ayant l’assurance de récupérer le terrain si le projet avorte. La question, en cas de scénario catastrophe : l’État serait-il en mesure de revendre ce terrain au même prix ?

De son côté, malgré ses annonces d’engagements financiers, le gouvernement fédéral n’a toujours rien déboursé. Il n’y aura donc pas d’argent perdu de ce côté.

Cette débâcle a également fait perdre plus de 1 milliard à de grands gestionnaires de régimes de retraite au pays comme la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ).

Si le bas de laine des Québécois a perdu 200 millions, le Régime de retraite des employés municipaux ce l’Ontario a radié son investissement de 430 millions. L’Investment Management Corporation of Ontario – qui gère l’avoir d’employé du secteur public en Ontario – a fait de même avec son investissement de 530 millions.

L’histoire jusqu’ici :

  • Septembre 2023 : Northvolt confirme son projet de cellules de batteries estimé à 7 milliards.
  • Janvier 2024 : Les travaux préparatoires débutent sur le terrain de l’entreprise.
  • Juin 2024 : Les retards de production s’accumulent et BMW annule un contrat de 3 milliards pour des cellules de batteries avec Northvolt.
  • Novembre 2024 : Avec des coffres à sec, Northvolt AB se place à l’abri de ses créanciers. Peter Carlsson, l’un des cofondateurs, quitte ses fonctions de PDG.
  • Janvier 2025 : Paolo Cerruti, l’autre cofondateur de l’entreprise, quitte son poste de PDG de Northvolt Amérique du Nord.
En savoir plus
  • 2,74 milliards
    Aide financière offerte par Québec et Ottawa pour financer la construction de l’usine québécoise de Northvolt.
    gouvernements du Québec et du Canada
    8 milliards CAN
    Dette de Northvolt lorsqu’elle s’est placée à l’abri de ses créanciers aux États-Unis en novembre dernier.
    documents judiciaires américains